7 raisons de visiter la fête de l’art libre à Genève
C’est l’un des grands événements artistiques gratuits du monde : une rare chance pour l’artiste et le public de se rencontrer face à face. Le Quartier des Bains de Genève, qui portait autrefois un nom banal, car ses bains publics en étaient la caractéristique la plus remarquable, est aujourd’hui la réponse élégante de la Suisse au SoHo arty de New York.
Trois fois par an, en mars, mai et septembre, 14 galeries d’art contemporain lancent simultanément de nouvelles expositions « La Nuit des Bains » . Pendant trois heures, entre 18 heures et 21 heures, les galeries ouvrent leurs portes, offrent des boissons gratuites et accueillent un grand nombre d’amateurs d’art. Sans surprise, près de 3 000 visiteurs se pressent dans un espace à peine plus grand qu’un terrain de football. Le prochain événement aura lieu le jeudi 17 mai 2018.
Dans de nombreuses galeries, les artistes sont présents pour parler de leur travail. Pour les artistes, cette fenêtre de trois heures est leur meilleure opportunité de vente. Mais ce sont des artistes, un groupe diversifié et éclectique, parfois avec de la peinture encore sous les ongles, pas des vendeurs à la parole facile. Ils admettent leurs erreurs d’écolier : « Il ne m’est jamais venu à l’esprit que la toile serait trop grande pour passer par la porte de l’atelier. J’ai fini par faire enlever la fenêtre. Je ne vais pas gagner de l’argent sur ce coup-là. »
Certains révèlent le traumatisme du processus créatif, leur angoisse artistique encore évidente à force de se tordre les mains : « Je peux passer des heures avec un pinceau dans la main sans savoir ce qu’il faut faire ensuite. »
Les artistes ne sont pas les seuls à s’inquiéter. Occasionnellement, ils révèlent une ambition motivée, « J’ai des photos des grands, Cézanne et Monet et Turner, dans mon studio. Ils se moquent de moi, ils me regardent de travers, ils me poussent à continuer. C’est pourquoi je deviendrai meilleur qu’eux un jour. »
Et puis il y a l’honnêteté brutale : « Parfois, mon travail est nul. Je le détruis. Je l’entaille avec un couteau. Je le déteste. » Comme je l’ai dit, pas des vendeurs naturels. La Nuit de Bains attire un public diversifié dans un quartier populaire qui a subi l’ultime gentrification vers le cool contemporain : mètre après mètre de murs blancs, des kilomètres de parquets, des litres de vin blanc sec. Le Quartier de Bains fait la part belle aux briques d’origine et à la tuyauterie interne en laiton étincelante dans un esprit hipster.
Il y a des étudiants en herbe désireux de questionner et d’apprendre des artistes qui ont « réussi ». Les aficionados de l’art d’âge plus mûr, qui, si le prix est bon, cherchent à ajouter à leur collection. Enfin, il y a ceux qui cherchent simplement à passer une soirée sophistiquée. Liez-vous d’amitié avec les bons propriétaires de galeries et vous serez invité à revenir pour la fête d’après-spectacle, afin de finir le surplus d’alcool.
Ces soirées arty attirent une clientèle cosmopolite et sophistiquée. Comme l’ONU n’est qu’une des centaines d’organisations supranationales qui ont des bases à Genève, il y a une impression de village global pour un public qui apporte à la fête des expériences artistiques diverses, exprimées dans une gamme de langues.
La Nuit des Bains est une excellente occasion de repérer des talents, d’identifier la prochaine grande chose, de soutenir votre intuition avec une poignée de francs suisses. Certains investisseurs artistiques frappent tôt, en plaçant des offres préventives avant même l’ouverture des portes, ce qui gâche plutôt le plaisir. Inévitablement, il y a un ou deux artistes qui viennent de toucher le gros lot et qui profitent de l’adulation et du vin mousseux. Des entreprises astucieuses achètent l’œuvre d’un artiste comme décoration de bureau, en compensant le coût avec les impôts, et attendent ensuite que l’œuvre s’apprécie.
Augmenté par quelques verres de vin, il y a une franchise rafraîchissante dans certaines des questions tirées sur les artistes par des aspirants critiques d’art bricoleurs : « Ne pensez-vous pas que c’est trop ambigu / déprimant / géométrique / indulgent / morbide ? », alors que l’interrogateur s’efforce de venir à bout des questions contemporaines.
La vraie effervescence est celle de l’exposition. Mais le véritable buzz de la soirée vient de l’énergie créative des artistes et de leur connexion avec les foules. Puis, il y a le moment excitant où un spectateur « comprend » l’intention de l’artiste et devient acheteur : et le personnel de la galerie place un autocollant « Vendu » à côté de l’œuvre.
Pour la soirée, le MAMCO, le Musée d’art moderne et contemporain, offre une entrée gratuite. Ouverte en 1994, cette ancienne usine est vaste et offre le plus grand musée d’art contemporain de Suisse. De même, le Centre d’art contemporain se joint à la fête en ouvrant ses portes.
Arriver à Genève pour La Nuit des Bains le jeudi donne le coup d’envoi d’un long week-end à Genève, fréquemment en tête du classement européen des destinations de City Break. Le vendredi, vous pourrez visiter les Nations unies pendant qu’elles sont encore en session. Puis, au cours du week-end, il y a le musée de la Croix-Rouge, parfois traumatisant, un dîner-croisière sur le lac Léman et du shopping dans les boutiques d’artisans exclusives de Carouge. La Nuit de Bains n’est que l’apéritif.